Vitesse et projectile

De tout temps, les hommes ont comparé leurs armes et leurs performances supposées. Dans tous les domaines la vitesse a toujours eu le dernier mot, qu'il s'agisse de la voiture de papa dans la cour de récréation ou du processeur de l'ordi à l'université… alors pourquoi pas pour les cartouches de carabines ? Déjà en 1915, lorsque Charles Newton conçu la fameuse '.250 Savage' pour le fabricant éponyme, il réduisit le poids du projectile afin d'atteindre le seuil mythique des 3 000 pieds/seconde (910 m/s) et pouvoir ainsi fièrement rebaptiser la cartouche en 250-3 000 ! LES BONS CÔTÉS…


La vitesse est nécessaire à la stabilisation du projectile et contrairement à une croyance trop répandue, c'est la vitesse qui réduit la dérive d'un projectile au vent ; le temps de vol étant plus court pour une balle légère et rapide que pour une balle lourde et plus lente, le temps d'exposition à la perturbation est plus réduit.



Tout le monde sait que suivant la fameuse formule e = ½m. V2, la vitesse rentre pour son carré dans le calcul de l'énergie cinétique alors que la masse n'intervient que pour sa moitié. Ainsi un léger projectile de 5 grammes, quittant le canon à 1 200 m/s, développera une énergie 22 % supérieure à celle délivrée par une balle lourde de 12 grammes à 700 m/s… et pourtant les résultats à l'impact seront bien différents.

En fait, c'est oublier trop vite que ce qui compte en matière de balistique terminale, ce n'est pas l'énergie brute, mais la façon dont elle est abandonnée et transformée.

…ET LES AUTRES
Afin d'assurer la précision de sa trajectoire, le canon imprime à l'aide de rayures une rotation de la balle sur son axe dont l'effet est la stabilisation gyroscopique. Suivant le calibre, son diamètre, le poids et la vitesse du projectile la rotation induite par les rayures est fixée par un pas de révolution différent. Pour les calibres moyens, ce pas est souvent proche d'un tour pour dix pouces, soit, à peu de chose, quatre tours au mètre. On aura tôt fait de comprendre que pour une balle dont la vitesse est de 1 000 m/s, la rotation est de 4 000 tours à la seconde, soit 240 000 tours/minute… ! À pareille vitesse de giration, la force centrifuge tend à pousser à l'extérieur les molécules de métal lourd 'Le plomb' contenu par l'enveloppe extérieure métallique 'La jaquette'. Durant sa progression à l'intérieur du canon, ce sont les parois de ce dernier qui assurent la cohésion du projectile, mais dès son entrée dans l'atmosphère, c'est l'enveloppe extérieure en alliage cuivreux qui empêche seule la désintégration des composants. Or, cette jaquette est déjà fragilisée par l'impression des rayures du tube et au-delà d'une certaine épaisseur elle éclatera sous la moindre contrainte. Ceci explique pourquoi des chargements qui sont parfaitement propres et létaux à longue distance sont terriblement inefficaces aux courtes distances de battue ; la balle se désintégrant sans pénétrer.

LES MONOLITHIQUES ?
Pour pallier ces inconvénients, les fabricants proposent des balles monolithiques, c'est-à-dire des projectiles monoblocs tournés dans un alliage cuivreux et dont la déformation est contrôlée par des amorces de ruptures pré-usinées. Politiquement correct oblige, ces balles sont présentées comme 'vertes' et soucieuses de l'environnement au prétexte qu'elles ne contiennent pas de plomb ; et c'est là que le bât blesse ! En effet la densité du cuivre étant 30 % moindres que celle du plomb, dans un même calibre et pour un poids égal la balle sera plus longue. Or, le pas des rayures propre à chaque calibre est prévu pour stabiliser un projectile de référence dont la longueur est établie. Avec une balle plus légère, donc plus courte, hormis le phénomène d'hyper-rotation, il n'y a pas d'influence notoire sur la précision aux distances usuelles ; par contre avec une balle plus longue, la stabilisation sera mal assurée et le projectile oscillera sur son axe jusqu'à la nutation. Dans ce cas la précision est grandement affectée et souvent la balle bascule à l'impact avec des effets aléatoires.

LA SOLUTION !
Comme souvent, avec un peu de bon sens, la solution est d'une extrême simplicité.

Bien sûr, vous pouvez sélectionner un calibre très rapide à condition qu'il soit adapté à la chasse que vous pratiquez, mais surtout vous aurez grand intérêt à choisir un projectile plutôt en fonction de sa densité de section que pour la vitesse affichée dans les tables publiées par l'encartoucheur.

Il y a fort à parier que la vitesse mesurée dans votre arme soit de très loin inférieure à celle publiée qui résulte d'essais en laboratoire. La majorité des armes commercialisées n'utilisent pas des canons de longueur suffisante (et je ne parle pas ici des semi-automatiques qui tirent du 300 magnum avec des canons d'un demi-mètre à peine) et tirent généralement profit d'un projectile plus lourd au coefficient balistique plus élevé.

En effet, par exemple pour le 270 WSM, la différence de chute à 300 mètres entre une balle BST de 8,4 g et une de 9,7 g est inférieure à 1' (25,4 mm), bien en deçà de la dispersion de l'arme… sans tenir compte de celle, plus importante, du tireur. Alors, arrêtez de rêver sur les performances supposées des cartouches hyperrapides, gardez les pieds sur terre et comprenez que, sur le terrain, des différences de trajectoires négligeables ne méritent pas les inconvénients qui en résultent en matière de confort d'utilisation… et les échecs qu'il en coûte